La représentante des détaillants de
tabac écope d’une amende de 750 000 euros pour pratique
anticoncurrentielle, après avoir organisé des opérations de boycott à l’égard
de la FDJ en 2016.
Le
couperet est tombé : dans sa décision
du 26 septembre 2023, l'Autorité de la Concurrence a administré une amende de
750 000 euros à la Confédération
nationale des buralistes de France (CNBF) pour des pratiques jugées
contraires à la libre concurrence.
Au
centre de cette (ancienne) querelle entre la Française des jeux (FDJ) et la CNBF, la diversification des canaux de
vente des jeux de hasard, après que la FDJ avait cherché à collaborer avec des
fleuristes. Principal opérateur de jeux de hasard en France, les buralistes étaient
historiquement les distributeurs privilégiés de ses jeux : toutefois, afin
d’étoffer l’accessibilité à ses produits, la FDJ avait en effet envisagé un
partenariat avec le réseau Florajet. Un possible partenariat vigoureusement
contesté par la CNBF, la représentante des buralistes craignant une concurrence
directe et une perte d'influence dans la distribution des jeux de hasard.
En réponse, dès la fin août
2016, la CNBF avait ainsi largement communiqué sur le fait qu’elle organiserait
des opérations de boycott. Ces dernièrement visaient ainsi la validation de l’EuroMillions,
le 27 septembre 2016, et de plusieurs jeux en ligne (Loto, Loto sportif et
EuroMillions), le jeudi 22 septembre 2016.
Des
pratiques d’une « particulière gravité »
Dans sa toute récente
décision, l'Autorité de
la Concurrence établit que les pratiques mises en œuvre sont bien
constitutives, au regard du droit de la concurrence, d’ententes. « La
CNBF a clairement pris position faveur d’une ‘action très dure contre la FDJ’,
mentionnant la nécessité de ‘planter leur nouveau jeu, qui sort courant
septembre’ », développe-t-elle. La décision pointe en outre que « le
président de la CNBF ne s’en est pas distancié publiquement, indiquant même
: ‘les initiatives locales ne me gênent pas’ ». Au sens de la
jurisprudence, peut-on lire, cette complicité constitue ainsi un « mode
passif de participation » à l’infraction qui est donc de nature à
engager la responsabilité de l’entreprise.
Par
ailleurs, quant au caractère anticoncurrentiel, la Cour précise que si la pratique
et la jurisprudence définissent le boycott comme « une action délibérée en
vue d’évincer un opérateur du marché ». Or, sur ce point, « l’intention
de la CNBF de faire obstacle à la distribution de jeux de la FDJ par le réseau
de fleuristes sous enseigne Florajet est manifeste », affirme-t-elle,
tout en précisant que le fait que les effets escomptés du boycott se soient ou
non matérialisés n’a pas de d’impact, avant de conclure au caractère anticoncurrentiel du blocus organisé par la
CNBF.
Dans sa décision, l’Autorité,
qui en profite pour rappeler qu’elle peut « infliger des sanctions
proportionnées à la gravité des faits reprochés, à la durée de l'infraction, à
la situation de l’entreprise ou du groupe auquel elle appartient, et à
l’éventuelle réitération de pratiques anticoncurrentielles », met en
exergue la « gravité particulière de ces pratiques de boycott mises en
œuvre par une instance syndicale ». Elle souligne également à ce titre la
durée de ce blocus, particulièrement préjudiciable, puisque l’infraction a été
mise en œuvre du 23 août 2016 au 27 septembre 2016.
L’Autorité ordonne également la
publication, sur la page d’accueil de son site internet et dans une lettre
d’information adressée aux adhérents de la CNBF, d’un résumé de sa décision, « afin
d’informer les buralistes du caractère prohibé des pratiques sanctionnées »
dans cette affaire.
La FDJ chercher à rester
compétitive
L'amende
infligée à la CNBF souligne l'importance de respecter loyalement l’émergence de
concurrents inédits. Plus largement, l’affaire indique aux entreprises le poids
d’une innovation (revoir son réseau de distribution) pour satisfaire aux
attentes des clients. Les acteurs d’un secteur doivent se transformer pour progresser
sur leur marché.
Les
buralistes, grands distributeurs des jeux de la FDJ, se sont manifestés contre un
partenariat, craignant une perte de position dans la vente des jeux de hasard. Quel
que soit le commerce, ce comportement interroge sur l'adaptation des acteurs
historiques aux évolutions des modèles de distribution changeant au gré des
habitudes de consommation.
L'intervention
de l’Autorité de la concurrence a permis de maintenir un environnement de
concurrence équitable dans le secteur des jeux de hasard. Ce secteur est
fortement réglementé et encadré par l'État. La FDJ bénéficie d’un monopole sur
plusieurs jeux emblématiques, mais, ces dernières années, d’autres sociétés de
jeux sont apparues, notamment en ligne, entrainant une concurrence accrue. C’est
dans ce contexte que la FDJ cherche logiquement des voies d’amélioration pour
rester compétitive.
Bérengère Margaritelli
Florian Coing-Daguet